Elle ne va pas plus bas que 10 centimètres sous les fesses. La mini jupe, c’est LA pièce du vestiaire féminin qui fait parler. D’un côté, elle est synonyme de révolution sexuelle et de liberté pour celles et ceux qui la portent. De l’autre, elle est l’incarnation même des mœurs légères et de la tenue vulgaire. À l’occasion de la journée mondiale de la mini-jupe, zoom sur son impact.

“Le message est : ‘Je suis très sexy, j’aime le sexe et je suis provocante, mais tu devras mettre le paquet pour pouvoir être avec moi’. Maintenant, c’est la femme qui décide. » C’est ce qu’à déclaré Mary Quant quand elle a créé les premières mini-jupes et les a importées en France dans les années 50, pendant les Trente Glorieuses. Coco Chanel, reine mère de la mode féminine et de l’élégance s’insurge et crie au scandale mais qu’importe, la mode est lancée. La mini-jupe devient un symbole stylistique célébrant une femme affranchie des codes vestimentaires conservateurs.
Plus de 70 ans après sa création, cette jupe courte fait pourtant encore débat. En 2015, l’histoire d’une étudiante algérienne interdite d’examen pour cause de jupe trop courte choque. Des Tunisiennes s’emparent de l’affaire, créent la journée mondiale de la mini jupe et font de ce vêtement un manifeste pour le droit des femmes. Pourtant, presque 10 ans plus tard, la mini-jupe est toujours source de débats. En 2020, l’ancien ministre de l’Education Nationale avait exigé une “tenue républicaine” à l’école. Plusieurs établissements scolaires français ont été épinglés sur les réseaux sociaux qui s’étaient insurgés : les jupes au-dessus du genou peuvent être motif de refus d’entrer dans l’école, le collège ou même le lycée. Chez les adultes, le discours est similaire. Par exemple, la question “de quelle longueur était votre jupe” peut survenir lors d’un dépôt de plainte pour viol. Dans la rue au quotidien, la jupe courte est donc réservée aux tenues inappropriées. Tara, parisienne de 21 ans, confie : “souvent quand je mets une jupe courte le matin, j’aime le style mais je suis tentée de la retirer au dernier moment parce que je sais d’avance qu’elle peut être source de problème. Je vois d’avance les regards des hommes dans la rue et les mains qui s’approchent de moi dans le métro. Je ne cède pas à la peur, parce que c’est comme ça que ce sera de plus en plus facile d’avoir les jambes nues pour les autres filles.” La jupe est donc aussi synonyme de danger.
Véronique Pouillard, historienne de la mode raconte que “Mary Quant vend la minijupe avec des collants qui sont souvent opaques et de couleur. Ce qui veut dire que les femmes ne portent plus le porte-jarretelles, qui est aussi érotisé. Donc quelque part, la minijupe avec le collant peut signifier une approche plus sportive paradoxalement.”
La jupe dans le sport : mini obligatoire
La mini jupe est un incontournable, voire une obligation. D’ailleurs, elle se doit d’être courte.
Au tennis, en 115 ans de tournoi, 50 cm de jupe ont été perdus. Comptez 80 centimètres pour la joueuse Adine Masson en 1897, contre 30 centimètres pour Maria Sharapova en 2012. La règle est assez floue puisque même si les tenniswomen ont pris l’habitude de porter une jupe courte sur un short de compression, les tenues doivent simplement être “propres et appropriées ». Appropriées pour la pratique du tennis, la couvrance du bas n’est donc pas un problème en apparence. Pourtant, en 2018, quand Serena Williams décide de porter une combinaison longue à Roland-Garros pour aider à la circulation de son sang après avoir eu un enfant, Bernard Giudicelli s’indigne. Le président de la Fédération française de l’époque déclare que « ça ne sera plus accepté, il faut respecter le jeu et l’endroit ».

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Chez les cheerleaders aussi, le respect des règles passe aussi par la jupe courte. Longueur minimum ? “De 5 cm minimum à partir de l’entrejambe.” En dehors, dans l’équipe des Saintsations, il est interdit de porter des pantalons de sport en public, jugés inélégants d’après le New York Times. Mais détrompez-vous, ici les jambes découvertes ne riment surtout pas avec mœurs légères. Dans la plupart des équipes canadiennes et américaines, les photos en “tenue révélatrice” sur les réseaux sociaux et les relations avec des footballeurs sont notamment interdites ou fortement déconseillées. Le court est donc de mise pour les jupes, et de manière générale les uniformes de toutes les sportives : gymnastes, volleyeuses, athlètes ou encore les coureuses.
Icône révolutionnaire jusque sous les projecteurs
Des stades à l’écran, le constat est similaire : la mini jupe existe et elle est fashion.
L’actrice française Brigitte Bardot, icône de liberté, est la première à apparaître dans un long-métrage portant, non pas une mini-jupe, mais bien une jupe mi-longue ouverte sur le devant. Laissant apparaitre ses jambes et ses dessous dans le film Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, sorti en 1956. Elle deviendra l’incarnation de la femme libre et indomptable, libérées des carcans et mœurs habituels de son époque, symbole d’émancipation pour de nombreuses femmes.
Quelques années plus tard, c’est la mini-jupe portée par Julia Roberts, déjà figure de révolution féministe à l’époque, qui fait sensation. Dans le film Pretty Woman, sorti en 1990, elle incarne aux côtés de Richard Gere une prostituée attachante. Au fil des années, des personnages féminins tout à fait respectables portent leurs jupes courtes comme Rachel Green dans Friends, Blair Waldorf dans Gossip Girl ou encore Camille dans Emily in Paris. Ces femmes tiennent des rôles de femmes libres, dans lesquels leur mini-jupe est une pièce stylée plus qu’un symbole d’hypersexualisation.
Aujourd’hui, les grandes marques de mode et les couturiers haute gamme suivent la tendance de la jupe courte, voire extra-courte. Sur les podiums, la marque Diesel se fait l’ambassadrice de l’ultra court avec sa micro jupe-ceinture. La tendance de la jupe courte est reprise chez MiuMiu, Louis Vuitton, Prada, Balenciaga, tous des acteurs qui influencent le monde de la mode au fil des années et des défilés.

Diesel automne-hiver 2022-2023 GoRunway
Plus de 70 ans après sa création, la mini jupe est une pièce qui fait parler. Si elle est obligatoire sur le court et le praticable, porter la jupe en taille mini dans la rue est plutôt un danger. Pourtant, les femmes du monde, connues et anonymes, ont fait de la mini jupe un basique du vestiaire féminin. Une pièce presque iconique qu’il fait bon de porter dans toutes les situations en défiant les regards appuyés, comme un acte féministe et une petite preuve de liberté.
Clara Torossian