Le 9 juin 2024 auront lieu les élections européennes. Selon un sondage IFOP, 31% des 18-25 ans se tourneront vers le Rassemblement National. Mais comment le parti d’extrême droite est-il devenu le premier parti des jeunes ? Décryptage.

Un volontaire du parti d’extrême droite français Rassemblement National (RN) colle une affiche de campagne du président du parti et principal candidat aux élections au Parlement européen Jordan Bardella à Lyon le 6 mai 2024, avant les élections du Parlement européen du 9 juin. JEFF PACHOUD / AFP
Il est loin le temps où la jeunesse descendait dans la rue manifester sa colère à l’approche du second tour des présidentielle de 2002, qui opposait Jacques Chirac au fondateur du Front National, Jean-Marie Le Pen. Vingt-deux ans se sont écoulés. Et maintenant, le FN devenu RN se classe premier dans les intentions de vote des 18-25 ans pour les élections européennes. Il faut dire qu’une véritable stratégie de dédiabolisation s’est mise en place au sein du parti. Et ce il y’a plus de dix ans. En 2011, Marine Le Pen remplace son père à la tête du parti. Exit les phrases chocs, les positions négationnistes et la figure archaïque du père. Il faut redorer le Front National, le renouveler tant sur le fond que sur la forme. En 2015, Jean-Marie Le Pen est exclu du parti. En 2018, il change de nom pour s’appeler « Rassemblement National ». Une manière de s’éloigner encore plus du passé, jusqu’à peut-être un jour le faire oublier. Mais un changement de nom peut-il tout changer ? Pour Christophe Bourseiller, journaliste et écrivain, « il y a un déni total pour les jeunes. Déni qui est entretenu en interne au Rassemblement National, où les cadres leur expliquent que Marine Le Pen a définitivement rompu avec le passé lointain. Donc c’est vrai que pour beaucoup d’entre eux, c’est très abstrait, avec des gens qui sont dans une espèce de volonté de se détacher de tout ce passé. C’est comme si ça n’avait jamais existé, comme si le RN avait démarré en 2011 ».
Nouveau nom mais vieux démons
Les discours aussi évoluent. D’un point de vue social, Marine Le Pen s’éloigne des idées de son père : alors qu’en 2007 il plaidait pour le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, Marine Le Pen, elle, se bat pour la retraite à 60 ans. En mars 2023 d’ailleurs, le RN a déposé amendements sur amendements pour faire abolir la réforme des retraites. Mais le fonds de commerce du Rassemblement National reste cependant le même. En matière d’immigration et de sécurité, Le Pen fille tient les mêmes positions que son père : suppression du droit du sol et de l’aide médicale d’État, présomption de légitime défense pour les forces de l’ordre… Après tout, l’immigration est le pilier historique du FN. Alors pourquoi changer de position ? Il faut simplement changer la façon de le dire. « Le parti de Marine Le Pen, c’est un parti très plastique, très élastique. Il va prendre des positions anti-immigrés dans le sud de la France, mais il va prendre des positions très sociales, voire presque socialistes dans le nord de la France. En fait, il répond aux demandes des gens. Et donc les jeunes qui vont rejoindre le RN dans le nord de la France vont avoir un message social », affirme Christophe Bourseiller.
Bardella : l’atout majeur
Dernier pion à jouer. Pour rassembler la jeunesse, il faut lui ressembler. Qui de mieux qu’une figure jeune, imposante et nouvelle pour incarner le parti que celle de Jordan Bardella ? À 28 ans, il est le président du parti depuis 2022 et tête de liste aux européennes. Sur le plan médiatique, il est déjà passé aux moins deux fois sur les chaînes d’informations. Mais la vraie stratégie se fait sur les réseaux sociaux, TikTok notamment, où toutes sortes de vidéos de lui circulent et sont vues parfois plusieurs millions de fois. Sur son compte, on y trouve par exemple des extraits de lui en plein débat ou en interview, musique en fond. Pour la plus populaire cependant (4millions de vues), rien de politique : il y mange des bonbons et loue les effets du sucre sur son corps avant de monter sur scène ou sur un plateau. De quoi s’interroger sur sa popularité auprès des jeunes électeurs. Sont-ils réellement intéressés par le programme du RN, ou simplement attirés par les quelques 1m90 qui le représente ? Difficile de savoir, car les élections européennes ne semblent pas intéresser grandement les jeunes de 18 à 25 ans. En effet, seul 30% déclarent avoir l’intention de voter. Espérons seulement que les 32% d’entre eux qui pensent voter RN savent pour qui ils votent.
Jeanne LONGUET