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L’arrivée au pouvoir du Parti pour la liberté de Geert Wilders remet en question le contrat remporté en 2017 par le groupe français. Un texte a été déposé lundi visant à suspendre le contrat avec Naval Group.

Tomio Okamura, leader du SPD, Marine Le Pen, cheffe du Rassemblement National et Geert Wilders tête d’affiche du PVV à Prague le 25 avril 2019.

Tomio Okamura, leader du SPD, Marine Le Pen, cheffe du Rassemblement National et Geert Wilders tête d’affiche du PVV à Prague le 25 avril 2019.

L’heure est aux grandes remises en question aux Pays-Bas, depuis l’arrivée au pouvoir du Parti pour la liberté (PVV), la formation d’extrême droite de Geert Wilders. Et le groupe français Naval Group pourrait bien en faire les frais. En mars, ce leader européen de la construction navale de défense avait remporté un appel d’offres lancé, en 2017, par le gouvernement néerlandais pour le remplacement des sous-marins Walrus de la marine nationale. Naval Group avait décroché le contrat pour la livraison de quatre sous-marins océaniques de type Barracuda à propulsion diesel-électrique, face au consortium néerlando-suédois Damen-Saab et à l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems.

 

L’investissement, estimé initialement à 2,5 milliards d’euros, pourrait atteindre les 5,8 milliards. La première livraison des engins à construire à Cherbourg (Manche) était prévue entre 2034 et 2037, à condition toutefois que les députés de la Seconde Chambre de La Haye entérinent la décision du gouvernement démissionnaire de Mark Rutte. La composition de cette assemblée a été bouleversée après les législatives de novembre 2023 et plus rien ne semble sûr désormais.

 

L’offre française avait été jugée « équilibrée, poly­valente et réaliste » et répondait apparemment à la demande des Pays-Bas pour une importante contribution de l’industrie locale. Naval Group Netherlands est associé à des industriels locaux et au chantier naval Royal IHC, basé à Kinderdijk, près de Rotterdam. Il restait seulement à négocier précisément les termes du contrat.

 

Dès l’annonce de la commande envisagée, des députés avaient cependant manifesté des réticences et posé 200 questions à Christophe van der Maat, le secrétaire d’Etat (libéral) chargé de la défense au sein du gouvernement démissionnaire et partisan de la commande à Naval Group.

 

« Soucis sérieux »

Cette hostilité s’est renforcée après la victoire électorale du PVV et l’affaiblissement du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), dont M. Rutte a cédé la direction avant le scrutin de 2023. Le dossier des sous-marins est même devenu l’enjeu d’une bataille politique, comme l’a illustré un débat très animé qui s’est tenu, lundi 3 juin, à la Seconde Chambre.

 

En présence de M. van der Maat, le PVV a laissé entendre que les compensations envisagées pour l’industrie nationale étaient insuffisantes, d’où ses « soucis sérieux ». Il a été appuyé par le Mouvement agriculteur-citoyen, l’un de ses trois alliés au sein de la future équipe ministérielle, qui remet aussi en cause les modalités d’attribution du contrat au groupe français. Les deux autres partis de la coalition, le VVD et le Nouveau Contrat social (centre droit) sont, en revanche, favorables à la conclusion définitive du marché.

 

Soucieuse d’accentuer cette première brèche dans la future coalition, l’alliance écologiste-socialiste, première formation d’opposition, a déposé une motion conditionnant son éventuel accord au fait que le dossier serait endossé par le futur gouvernement. Une manière de tenter de diviser celui-ci alors même que sa composition n’est pas encore connue, les quatre partis qui le composeront s’étant, jusqu’ici, seulement mis d’accord sur le nom du premier ministre, Dick Schoof, un haut fonctionnaire.

 

Frans Timmermans, ancien commissaire européen et dirigeant de la gauche « verte et rouge », avait affirmé précédemment qu’il refuserait de jouer les roues de secours au cas où l’extrême droite s’opposerait à certaines décisions, comme, par exemple, la poursuite de l’aide à l’Ukraine, que M. Wilders a jusqu’ici acceptée du bout des lèvres, ou la lutte contre les ingérences étrangères.

 

Jetant un peu plus d’huile sur le feu, le Parti politique calviniste, une petite formation protestante qui était favorable à l’offre de Damen-Saab, a déposé, lundi, un autre texte, visant à suspendre le contrat avec Naval Group. Les votes auront lieu le 11 juin et il n’est pas exclu qu’une majorité favorable au gel ou à la remise en question de la commande se dégage.

 

Tobias Claiser avec Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, correspondant)